Notre lettre 210 publiée le 28 décembre 2009
LA DYNAMIQUE DU MOTU PROPRIO DE BENOIT XVI RÉVÉLÉE PAR UNE ÉTUDE PERCUTANTE D'UN DE SES COLLABORATEURS ET DISCIPLES
Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Philippe Oswald, rédacteur en chef de Famille Chrétienne, publié dans le numéro 1663 de son hebdomadaire.
Le motu proprio Summorum pontificum élargissant l’usage de la forme extraordinaire du rite romain a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, deux ans après sa promulgation, il n’est pas sûr qu’il soit bien compris, même de ceux qui l’approuvent ou s’en félicitent. On le réduit souvent à une concession ou à un geste de sympathie envers les « tradis ». Or sa portée est bien plus vaste : elle concerne toute l’Église et son développement.
C’est un ami et disciple de Benoît XVI, doublé d’un expert en la matière, qui l’explique dans ce petit livre lumineux et d’une rare densité. Outre qu’il enseigne la liturgie et la théologie sacramentaire à l’Institut de théologie de Bari (Italie), Mgr Nicola Bux est à la fois consulteur pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, consulteur de la Congrégation pour la cause des saints, et consulteur au Bureau des célébrations liturgiques du souverain pontife. C’est dire si son avis est autorisé. Son propos se voit d’ailleurs étayé par trois préfaciers non moins compétents, que l’éditeur a eu la judicieuse idée de réunir dans une exceptionnelle polyphonie : Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, pour l’édition française ; le célèbre journaliste et écrivain Vittorio Messori, pour l’édition italienne ; enfin, pour l’édition espagnole, le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en personne, le cardinal Antonio Canizarès.
Au cœur des actuelles discussions doctrinales entre la Congrégation pour la doctrine de la foi et la Fraternité Saint-Pie-X, il y a l’héritage du concile Vatican II, et notamment la liturgie. Pour Benoît XVI, on le sait, le Concile doit être lu et appliqué selon une « herméneutique de la continuité » et non « de la discontinuité et de la rupture ». C’est bien ainsi, « entre innovation et tradition » (Mgr Aillet), qu’il faut concevoir la réforme liturgique qui n’est toujours pas achevée (cardinal Canizarès). Telle est la conviction du pape et telle est la volonté qu’il déploie avec « la patience de l’amour », souligne Mgr Bux : il s’agit de compléter et de corriger ce qui doit l’être afin que la liturgie eucharistique, « source et sommet de la vie chrétienne », donne un nouvel élan missionnaire aux chrétiens du XXIe siècle.
Donner la première place au caractère sacré et divin de la liturgie
Dans cette perspective dynamique, plus question d’opposer les Missels de 1962 et de 1970, mais de saisir le développement organique et continu qui unit les deux formes du même rite romain, pour retrouver un « ars celebrandi » donnant la première place au caractère sacré et divin de la liturgie, sans omettre la communion fraternelle mise en valeur dans la forme ordinaire du rite. Il faut pour cela plonger en eaux pro-fondes, jusqu’aux sources théologiques de la liturgie (cf. le Catéchisme, 1077-1112) que le Concile a voulu restaurer (comme l’écrit Vittorio Messori, « le problème n’est certainement pas le Concile, mais sa déformation : on sortira de la crise en retournant à la lettre et à l’esprit de ses documents »).
Ce programme implique que soit promue dans les séminaires « une connaissance à la fois théorique et pratique des richesses liturgiques, non seulement du rite romain, mais aussi, dans la mesure du possible, des divers rites de l’Orient et de l’Occident, créant ainsi une génération de prêtres libres de tous les préjugés dialectiques » (cardinal Antonio Canizarès).
L’œcuménisme n’est pas en reste : alors que des anglicans traditionnels rejoignent l’Église catholique romaine en y apportant leur art de célébrer, l’unité s’exprime aussi par la complémentarité des diverses formes rituelles entre l’Orient et l’Occident (on se souvient du satisfecit exprimé par le patriarcat de Moscou lors de la promulgation du motu proprio).
On le perçoit mieux grâce à l’étude de Mgr Bux : c’est un large horizon qu’ouvre le motu proprio de Benoît XVI. N’oublions pas cependant que cette ouverture dépend aussi très concrètement de l’effort de tous, pasteurs et fidèles attachés à l’une et à l’autre forme du rite, pour s’apprivoiser dans une volonté de compréhension et d’accueil mutuels, dans une communion fraternelle inspirée par une authentique charité.
Philippe Oswald
LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE
1- Merci à Philippe Oswald, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire Famille Chrétienne, qui ne craint pas de mettre en avant ce magnifique ouvrage de Mgr. Nicola Bux en insistant sur l'importance du Motu Proprio Summorum Pontificum pour tous les catholiques.
La presse religieuse officielle brille si souvent par son silence ou par son traitement caricatural de la question du Motu Proprio Summorum Pontificum que cet article mérite particulièrement d'être souligné.
A la suite du journal la Vie qui courageusement a déjà publié bon nombre d'articles plutôt objectifs sur le sujet, Famille Chrétienne semble également vouloir se faire l'écho de la dynamique de réconciliation et de restauration qui se met peu à peu en place sur le terrain.
Souhaitons que bientôt, d'autres médias officiels suivront.
2- Dans son ouvrage, Mgr. Nicola Bux écrit notamment "Les diocèses catholiques de rite latin ne doivent pas se limiter à attendre des demandes pour la célébration de la forme extraordinaire, mais ils doivent offrir cette possibilité." Paix Liturgique a toujours soutenu cette magnifique pensée de Benoit XVI exprimée ici clairement à savoir la nécessité de permettre à tous les catholiques de connaitre et de pratiquer la forme extraordinaire. La dynamique lancée par notre Pape se situe là et c'est ainsi que nous pouvons affirmer que le Motu Proprio du 7 juillet 2007 marque un tournant historique de la vie liturgique de l'Eglise du début du troisième millénaire. N'en déplaise à certains, et sans rabaisser la Sainte Messe au niveau d'un simple produit commercial, il est évident que l'offre crée la demande : plus le nombre de lieux où la forme extraordinaire du rite est célébrée se multiplieront, plus le nombre de fidèles qui la découvriront et l'aimeront sera important.
3- Mgr. Bux précise que "L'intention du motu proprio est bien que tous, dans l'Eglise, regardent vers le rite ancien, et que, par conséquent, les prêtres puissent le célébrer et les fidèles y participer." En libéralisant l'usage de la forme extraordinaire du rite et en permettant aux séminaristes de pratiquer cette forme liturgique, le Motu Proprio donne un repère au clergé et engage un changement de mentalité qui permettra aux curés de demain d'être libres, comme le souligne le cardinal Antonio Canizarès, sous-entendant clairement qu'ils ne le sont pas aujourd'hui, victimes de la pression des derniers défenseurs intransigeants de la forme ordinaire. Par ces abus d'autorité, les évêques intégristes de la forme ordinaire réalisent-ils qu'ils s'écartent du chemin que le Saint Père nous indique ?
4- L'heure n'est pas à la guerre mais à la réconciliation. Le temps des ghettos s'achève ; les fidèles et les curés doivent réapprendre à vivre ensemble au sein de leurs paroisses, comme ils le faisaient tout naturellement jusqu'à la fin des années 60. Nos pasteurs n'y perdront pas - jeunesse, vocations nombreuses, respect de la hiérarchie, volonté missionnaire - les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite sont une composante incontournable de l'Eglise de demain. Mgr Nicola Bux, à la suite de Benoit XVI, l'a bien compris et souhaite faire passer ce message à tous les catholiques de bonne volonté.
5- Le ton de cet article de Philippe Oswald est à rapprocher d’un autre, certes très différent et venant d’une aire tout autre du catholicisme, signé de Jean Mercier dans La Vie (« Révolution culturelle chez les néo-tradis », 17 novembre 2009), mais qui témoigne aussi du fait que s’impose à tous le constat d’une mutation en train de se produire. A propos du 2ème colloque organisé par Réunicathos à Versailles sur le thème de l’application du Motu Proprio, Jean Mercier a fait passer à ses lecteurs un message qui pourrait se résumer ainsi : « La cause de la messe traditionnelle, dynamisée par le Motu Proprio de Benoît XVI, est bien plus vigoureuse et missionnaire que vous le pensez ; la liturgie ancienne est en train de sortir du ghetto ! » De même, s’impose progressivement à tous les responsables ecclésiastiques l’observation que les fidèles qui assistent aujourd’hui aux célébrations de la forme extraordinaire du rite viennent pour une large part du monde de la célébration « ordinaire », comme les séminaristes diocésains qui désirent participer à ces célébrations, et comme les prêtres en nombre non négligeable qui apprennent à dire la messe selon la forme extraordinaire du rite. Force est pour tous de constater que, 40 ans après la réforme liturgique, un mouvement de fond, dont l’amplitude est encore difficile à mesurer mais dont tout le monde pressent qu’il est important, s’est déclenché dans le domaine de la liturgie romaine dans le sens d’un « retour » vers les racines traditionnelles.