Notre lettre 1179 publiée le 27 mars 2025

PLUS LISSE QUE MOI

TU MEURS....

UNE NOUVELLE CHRONIQUE
DE PHILIPPE DE LABRIOLLE

Les récents propos du Cardinal Roche, Préfet du Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements depuis 2021, donnant quitus aux affidés de la Messe traditionnelle ont surpris ceux qui, sur la foi de déclarations antérieures, le comptaient au nombre des détracteurs du vetus ordo.

C’est sans doute l’atmosphère de pré-conclave déclenchée par l’hospitalisation du Pape François, laquelle paraît trouver son terme, au moins provisoire, qui conduit les papabili à procéder à l’essayage d’habits neufs pour s’afficher en rassembleurs. Plus précisément, dénoncer la lex orandi d’hier, c’est promouvoir une lex credendi qui n’est pas celle de l’Église militante depuis sa fondation il y a deux mille ans. Inutile de nimber sa propre personne d’une aura de confusion et de stérilité. Qui veut la fin veut les moyens. A instar de François Mitterrand qui déclarait « A quoi sert-il d’avoir raison si l’on n’est pas au pouvoir ? », les candidats assument, chacun à sa façon, ce passage obligé.

Entrer en campagne pour accéder au pontificat suprême confronte l’ambitieux à une difficulté de taille. Comme le rappelait l’américain Robert Harris dans son roman « Conclave » (2016), porté récemment à l’écran (2024), la plaidoirie pro domo est interdite. A fortiori la subornation de ses pairs à son profit.

En plongeant le lecteur/spectateur au sein de ce qu’il faut bien appeler un champ clos, interdit aux non-autorisés si l’on nous permet cette évidence, le romancier assume une audace inhabituelle, celle de s’offrir à conseiller l’Esprit-Saint en se substituant à lui. Dans la pourpre assemblée, les tendances s’affrontent. Un cardinal africain, réactionnaire, est déconsidéré pour une affaire de mœurs. Un autre, de même tendance mais italien, crie au fiasco d’un mondialisme apaisé. D’autres encore, inégalement mais fermement novateurs, n’espèrent plus être élus, voire le redoutent.

La situation étant bloquée, que faire ? Sinon élire un inconnu « présentable ». Un cardinal nommé « in pectore » par le défunt Pape, et jusque là archevêque dans l’Asie du Sud-Est, fera-t-il l’affaire ?Apparemment, il a le profil d’un rassembleur, quelque peu irénique certes mais non impliqué dans les catégories conflictuelles du passé. Une fois élu, et la charge acceptée, est dévoilé l’impensable, pourtant connu de celui qui l’a créé Cardinal. Le nouveau Pape (de fiction) est-il de sexe masculin ?

« Qui entre Pape au Conclave en sort Cardinal ». L’aphorisme est savoureux. Les grands électeurs du Saint-Père doivent désigner celui qui, parmi eux, et en conscience, leur apparaît le plus apte à gouverner l’Église dans la fidélité au Christ-Sauveur. Il ne s’agit pas ici de vaticination mais de sincérité loyale.

Quand la politique des hommes, furent-ils d’Église, est en butée, et qu’il faut en sortir, s’en remettre à un inconnu, thèse développée par Robert Harris, n’est ce pas permettre à l’Esprit-Saint de faire de cet inconnu l’homme idoine pour conduire l’Église dans la voie fixée par le Christ ? La fonction fait l’homme, dit-on également. Or certaines femmes ont plus de sens politique que bien des hommes. La Pompadour plus que Louis XV. Margaret Thatcher plus qu’Edward Heath qu’elle déposait, au point que le parti conservateur anglais susurrait « Nous avons remplacé une femme par un homme ! » . Quant à l’archiduchesse Sophie de Habsbourg, future belle-mère de Sissi, le chancelier autrichien Metternich ne disait-il pas d’elle « c’est le seul homme de la famille ! » ?

Robert Harris, en 2016, se défendait d’avoir dépeint le Pape François sous les traits du défunt Pontife se livrant au coup de Jarnac évoqué plus haut. Encore décrit-il l’inconnu fédérateur sous les traits d’un prêtre et prélat ayant respecté son vœu de chasteté, fût-ce à son corps défendant. Et qui s’accepte « comme Dieu l’a fait ». Toujours est-il que le prochain conclave n’est pas à l’abri, et peut-être à l’affût, d’un, ou de plusieurs cardinaux « in pectore » qui ne seront connus qu’au dernier moment, avant le décès du Pape. En effet, le cardinalat « in pectore » est caduc sans notification du vivant du Saint-Père.

Si le Cardinal Roche assouplit sa position à l’encontre de la Messe de toujours face au micro, il n’en maintient pas moins la politique de « Traditionis Custodes ». A savoir cet appel aux Ordinaires d’œuvrer sans scandale à l’éradication des foyers de résistance au novus ordo, pressentis, non sans raisons, comme hostiles à ce que Vatican II a fait de pire. La dhimmitude imposée aux troupes fidèles, lesquelles pourtant croissent sans cesse, doit rester discrète car elle est l’expression d’un désamour dévoilant une paternité épiscopale sélective vis à vis des baptisés. Partir en guerre contre des foules virilisées, en raison même de cette virilisation, ne serait-ce pas faire la politique de Gribouille ?

Si c’est l’évêque en titre et en fait qui porte le fer, c’est parce que sa loyauté aux consignes délétères de la Conférence des Évêques de France aggrave de jour en jour son propre bilan pastoral. Que craint il réellement? Un évêque catholique, archevêque de surcroît, est-il en droit de dénoncer un regain de la Chrétienté, dont Gaudium et Spes avait sonné le glas dans une posture de « paix générale », contresens tragique validé par le Pape Paul VI alors que le joug communiste s’imposait à l’Europe de l’Est, sans oublier l’Asie septentrionale? Est ce une protestation judicieuse de la part d’un prélat censé montrer le chemin du Ciel, et la porte étroite de son accès, et qui n’appellerait pas de ses vœux le renversement d’une déchristianisation méthodique ? Quel est son trésor, où serait également son cœur ? Au risque de dévoiler que la mission diocésaine post-conciliaire préconise l’éradication des « soldats du Christ » ? Ou à défaut une castration méthodique des énergies ? De bannir les Polyeucte, les Pauline, les Félix...Qu’est ce qui empêche un Ordinaire de voir que la Messe traditionnelle nourrit l’ âme en profondeur, et que l’eau tiède des paroisses ne désaltère personne, si ce n’est quelque pacte oligarchique visant à aplanir les sentiers du Prince de ce monde ?

Ainsi, tant que la Messe de toujours, locution odieuse aux novateurs, restera la cible des idéologues, et l’objet d’une dépréciation aussi tenace que vaine, chaque baptisé sera fondé à penser que deux religions s’affrontent dans l’Église. Bref, à percevoir l’Église occupée par le clergé d’un autre projet eschatologique. Partant, les novateurs excipant d’une nécessaire communion avec la gnose horizontale qui les caractérise, alors que le trésor à préserver n’est pas identifié clairement, n’ont pas fini de pester contre leur propre stérilité. Au delà de toute controverse théologique, il est d’observation que beaucoup parmi ceux qui viennent à la foi, ou y reviennent, ne se contentent pas de la religion prétendument réformée qu’on leur sert dans les diocèses. Les quêtes s’en ressentent. La belle affaire !

Le clergé diocésain crie à la concurrence déloyale. Il a tous les pouvoirs formels, mais il lui manque l’essentiel, qui est l’attractivité sainte du rite millénaire. A ce jour, un vicaire général pugnace à l’encontre des tradis, est-il plus épiscopable qu’un conciliateur ? Un évêque teigneux a-t-il plus de chance de devenir métropolitain qu’un pasteur ouvert à la Tradition, c’est à dire à la boussole de l’Église ? Affirmatif, selon les précédents. Quant au chapeau rouge, dont rêve l’archevêque de Paris, Mgr Ulrich, c’est sans doute en proscrivant la Messe traditionnelle de « sa » Cathédrale Notre Dame de Paris qu’il espère en être prochainement coiffé. A suivre. Mais, de fait, à quoi sert-il d’être au pouvoir si l’on ne peut pas tout se permettre ?

Donc, Mgr Roche arrondit ses propres angles. Bienheureux Conclave (putatif) qui dévoile le sophiste derrière l’ambitieux. Cherche-t-il à se voir mettre à la bouche les mots d’Audiard : « Je ne serais pas plus mauvais qu’un autre ». Auxquels un ancien Président du Conseil rétorque : « Quand on a cette mentalité là, on ouvre un bazar ! ». (le Président, Henri Verneuil, 1961). Alors, un gestionnaire, qui, n’ayant rien compris au film, compte sur l’extinction des générations préconciliaires, ou un serviteur des serviteurs de Dieu, soucieux du salut des âmes? En tout cas, quelqu’un qui sache qu’il rendra des comptes quant à l’usage des talents reçus...Non à l’insignifiance, à la bienséance petite-bourgeoise, à l’inconsistance, à la tiédeur que Dieu vomit.

Quid d’un inconnu sur le siège de Pierre ? Mais nous sortons d’en prendre...Le groupe de Saint Gall qui a promu, en toute illégalité, le cardinal Bergoglio avec l’approbation du cardinal Martini malade, connaissait-il son favori ? Que savait-on de ses impulsions agressives, de son narcissisme impénitent, de ses raisonnements de politicien. A vrai dire, dès son élection, il plaisait en dehors de l’Église par sa haine de la Curie et son goût pour la zizanie. Hostile aux excès, il est lui-même un excès d’hermétisme.

Prions pour avoir un pape qui croit au Ciel, et qui porte des paroles de Salut Éternel. Parmi les 139 cardinaux-électeurs, est ce si difficile à trouver ? Il y en a certainement, mais l’un d’entre eux trouvera-t- il une majorité qualifiée pour être élu, autrement que sur un malentendu ?


Philippe de Labriolle

Psychiatre Honoraire des Hôpitaux



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