Notre lettre 849 publiée le 16 février 2022
MIRACLES A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE ?
« TROIS MIRACLES ONT MARQUE CE JOUR»
(antienne de l’Épiphanie)
Paix liturgique : Pourquoi cher Germain parlez-vous « d’un miracle à Saint-Germain-en-Laye » ?
Germain de Paris : Non pas un, mais trois miracles. Voyez :
- Pendant des décades il a été répondu à nos demandes de pouvoir assister à une liturgie traditionnelle à Saint-Germain que cela n’était pas possible faute d’une église disponible. Or, en moins d’un mois, deux églises de la commune, soit abandonnée (chapelle des Franciscaines) soit tombée en déshérence (chapelle de l’Hôpital) sont redevenues accessibles pour accueillir de nouvelles célébrations ! Un vrai miracle, ou plutôt une nouvelle attestation de la mauvaise foi de ceux qui mettaient cet argument en avant pour refuser notre demande.
- De la même manière, il nous a été répondu de nombreuses fois, toujours à nos demandes de voir célébrer à saint-Germain une liturgie traditionnelle, que « cela était impossible car il n’y avait pas dans le doyenné assez de prêtres disponibles ». C’est donc un second miracle de voir des prêtres mis au service de deux nouvelles messes initiées à Saint-Germain en l’espace d’un mois*.
- Enfin, troisième miracle : nous assistons à Saint-Germain à la fin d’une politique de replis de l’Église – ce qui à Versailles entraîna la fermeture et la désacralisation de la chapelle de l’Hôpital Richaud - au moment même où il était répondu à un groupe important de fidèles qu’aucune église n’était disponible à Versailles ! - C’est donc bien un miracle que de voir le culte catholique s’amplifier à Saint-Germain-en-Laye, afin de répondre encore mieux aux besoins des fidèles : Deo gratias ! D’autant que nous savons que certaines de ces initiatives ont impliqué de forts investissements.
Paix liturgique : Des investissements ?
Germain de Paris : Tout à fait : des investissements humains d’abord pour constituer une chorale et mettre en place un service d’autel, mais aussi réaliser l’impression d’un livret de messe et assumer le coût des aménagements mobilier. Je pense par exemple à la réalisation d’une table de communion amovible dans la chapelle des franciscaines pour faire que les fidèles puissent communier à genoux et sur les lèvres d’une manière aisée.
Paix liturgique : Puisque vous évoquez la nouvelle célébration à la chapelle des Franciscaines pouvez-vous nous proposer un premier bilan de la « messe grégorienne » qui y est célébrée depuis le 23 janvier 2022 ?
Germain de Paris : Il est un peu tôt, cette messe n’ayant pour l’instant été célébrée que depuis un mois, cependant l’observation attentive de cette nouveauté permet quelques remarques.
- La première est la baisse continue du nombre des fidèles qui participent à cette liturgie : ils étaient environ 70/75 lors de la première messe le 23 janvier, seulement 50/52 lors de la seconde célébrée le 30 janvier, à peine 50 lors la troisième le 6 février et enfin moins de 40 pour la quatrième ce dimanche 13 février… J’en déduis que ce greffon brutalement mis en place ne prends pas autant qu’il le devrait.
- La seconde réflexion est liée au fait qu’après ces quatre célébrations la « messe grégorienne » va disparaitre pendant trois dimanches, c’est-à-dire que la prochaine messe ne sera célébrée que dans un mois.
Paix liturgique : Pour quelle raison ?
Germain de Paris : Parce que, comme c’est souvent le cas, les autorités qui acceptent ou mettent en place ce type de célébrations ne les accordent que comme si elles étaient des « gadgets », mais pas comme si elles correspondaient à une véritable attente de fidèles qui souhaitent vivre leur foi au rythme d’une liturgie latine. De ce fait, il est habituel que lorsque nos pasteurs acceptent ce genre de célébrations, ils ne le font qu’à un rythme irrégulier.
Paix liturgique : Qu’entendez-vous par rythme irrégulier ?
Germain de Paris : Par exemple le fait de la supprimer pendant les vacances scolaires.
Paix liturgique : N’est-ce pas justifié ?
Germain de Paris : Certes, des familles profitent des congés scolaires pour partir à la campagne mais il n’y a pas que des familles avec jeunes enfants qui assistent à la messe et même parmi eux tous ne peuvent pas partir en vacances au ski ou à la campagne. Or ces ruptures régulières pendant les congés scolaires « cassent » en quelque sorte la possibilité de créer une vraie communauté.
Paix liturgique : Si je vous entends, on peut se demander si c’est vraiment la volonté des autorités ecclésiastiques de voir se créer « une vrai communauté » qui s’éloignerait des canons liturgiques actuels.
Germain de Paris : Ils ne veulent surtout pas d’une telle communauté. Car un fidèle catholique assiste en principe à la messe tous les dimanches… Or, si la « messe grégorienne » ne lui est pas proposée chaque dimanche et fêtes, elle aura une énorme difficulté à s’enraciner, ce qui est peut-être, en effet, l’objectif sous-jacent de cette initiative…
Paix liturgique : Mais sera-t-elle réellement si irrégulière ?
Germain de Paris : Certainement ! Pensez que pour chaque période de congés ce sont trois messes dominicales qui « sautent » : celle du premier dimanche des vacances, puis celle du milieu des vacances et enfin celle du dimanche de la fin des vacances, ce qui signifie qu’une rupture d’un mois s’installe entre la dernière messe pré-vacances et la première messe post-vacances. Et cela 4 fois dans l’année, pour les congés de la Toussaint, pour ceux de Noël, pour ceux d’Hiver et enfin pour ceux de Pâques. De plus, la « messe grégorienne » ne sera pas célébrée l’été, c’est-à-dire de juin à début septembre. En un mot, on a une sorte de célébration à mi-temps et qui plus est au rythme insaisissable.
Paix liturgique : N’est-ce pas mieux que rien ?
Germain de Paris : Je ne sais pas. En plus la célébration est concédée le dimanche, le dimanche hors vacances. Du coup, la plupart des grandes fêtes de l’année liturgique passent à la trappe : Noël, Pâques, l’Assomption, mais aussi au mercredi des Cendres, le jeudi de l’Ascension et la Toussaint, ou encore la Commémoration des fidèles défunts. Car ces fêtes ne sont pas célébrées le dimanche, ce qui impliquera que ces liturgies de ces jours très saints, parmi les plus riches du missel, seront simplement occultées pour les fidèles attachés à une messe traditionnelle ou simplement grégorienne.
Paix liturgique : Est-ce si important ?
Germain de Paris : C’est importantissime ! Car si des fidèles désirent vivre leur foi catholique les dimanches au rythme d’une liturgie traditionnelle, ou au moins classique comme cela leur est proposé à la chapelle des Franciscaines, il va de soi qu’ils attendent de bénéficier de cette liturgie au moins aussi lors des grandes fêtes… Pour le dire franchement, on se moque de ces fidèles.
Paix liturgique : Et cependant, en soi, vous estimiez qu’il fallait se réjouir de cette initiative de « messe grégorienne » offerte aux paroissiens de Saint-Germain ?
Germain de Paris : Tout à fait, car si pour une fois une initiative liturgique prend en compte plusieurs demandes d’une grande part des fidèles, il serait dommage que cette initiative capote.
Paix liturgique : Plusieurs demandes ?
Germain de Paris : Celle d’assister à une messe orientée, tous tournés vers le Seigneur ; celle de pouvoir communier à genoux sur les lèvres ; celle de bénéficier d’une atmosphère pieuse et silencieuse. Rien que cela est un bonheur pour de nombreux fidèles catholiques et pas seulement pour les « tradis ».
Paix liturgique : Et en dehors des critiques sur l’irrégularité de cette messe, avez-vous d’autres regrets ?
Germain de Paris : Celui de constater qu’en 2022, Vatican II n’est toujours pas appliqué, en tout cas sur certains points… 60 ans après un concile qui a insisté sur le rôle et l’importance que doivent avoir les laïcs dans l’Église, il est frappant que la mise en place de cette « messe grégorienne » à Saint-Germain-en-Laye, qui a priori est faite pour répondre à une certaine demande de laïcs de Saint-Germain, ait été décidée, comme par hasard, sans aucune concertation avec les laïcs qui justement se trouvaient être la cible que l’on désirait atteindre en mettant en place cette célébration. Car ces laïcs-là auraient eu, à coup sûr, des revendications liturgiques autres.
Paix liturgique : En clair, vous pensez que cette initiative a pour but d’attirer les fidèles qui assistent « hors les murs », sous la pluie, dans le froid, devant la chapelle de l’hôpital à la messe chaque dimanche ?
Germain de Paris : J’en suis persuadé : on leur propose de venir se mettre au chaud, mais… avec la nouvelle messe en latin. Et cependant, cette mise en œuvre a eu cependant un grand mérite, celui de révéler qu’il existe au sein de la paroisse de Saint-Germain, parmi ce que j’appellerais, avec beaucoup de respect « les fidèles ordinaires » des catholiques qui souhaitent pouvoir assister à des liturgies plus classiques, plus « carrées » que celles auxquelles ils assistent ordinairement.
Paix liturgique : Et c’est pour eux que vous exprimez un vœu ?
Germain de Paris : Oui pour eux. Pour ces fidèles classiques, je fais un vœu en deux points.
Le premier est que cette messe soit célébrée tous les dimanches et fêtes, du début septembre au premier dimanche de juillet.
Le second est qu’elle soit célébrée à un horaire familial c’est-à-dire pas avant 10 h et de préférence à 10h30 ou 11h, pour répondre aux attentes des familles d’aujourd’hui. En effet, à la suite d’un travail réalisé sur plus d’une centaine de paroisses urbaines, il apparaît que les fidèles, et spécialement les fidèles qui viennent à la messe en famille, souhaitent assister à la messe dominicale qui commencerait entre 10h 30 et 11h.
Paix liturgique : Avez-vous entendu dire qu’existerait un projet de célébrations d’une nouvelle messe paroissiale « ordinaire » à la chapelle de l’hôpital, le dimanche, à 11h ?
Germain de Paris : Pour le coup, cette information, diffusée ici ou là, est un véritable gag. La communauté « hors les murs » a instauré sa messe « extraordinaire » à 11h chaque dimanche, devant cette église, parce qu’elle était vide et pour éviter tout scandale ou agitation intempestive. Y faire dire une messe « ordinaire », le dimanche, à la même heure, serait une provocation stupide. Comme si, inversement, la communauté « hors les murs » venait pour sa part célébrer devant la chapelle des franciscaines ou même devant l’église principale de Saint-Germain… Des situations que je préfère ne pas avoir à imaginer et que repousseront tous les hommes qui souhaitent la Paix. En revanche, l’instauration d’une messe dominicale le samedi à 18h30 et la reprise de célébrations en semaine dans la chapelle de l’hôpital me semble de bonnes initiatives pour les futurs habitants de ce nouveau quartier.
Paix liturgique : Votre demande, celle de la communauté « hors les murs », est donc que soit célébrée à Saint-Germain-en-Laye une messe traditionnelle. Ne croyez-vous pas, qu’après la publication de Traditionis custodes, la satisfaction de celle-ci soit actuellement impossible à réaliser ?
Germain de Paris : Eh bien, vous seriez surpris d’apprendre le nombre de nouvelles célébrations traditionnelles qui ont été accordées en France et en Europe depuis la promulgation de Traditionis Custodes.
Paix liturgique : Vous plaisantez.
Germain de Paris : Pas du tout. Le pape François a affirmé plusieurs fois aux évêques, notamment aux évêques français, lors des visites ad limina, que c’était à eux de mettre en œuvre les décisions qu’ils jugeraient opportunes. Donc, voyez-vous, il n’y a pas – du moins pour l’instant – de difficultés insurmontables si nos pasteurs veulent faire progresser la Paix et la Charité.
Paix liturgique : Mais à Saint-Germain ?
Germain de Paris : Ce que nous demandons « l’instauration d’une messe traditionnelle à Saint-Germain » aurait été possible et facile après la promulgation du motu proprio Ecclesia Dei en 1988 et encore plus simple après la promulgation de Summorum Pontificum en 2007. Or, à Saint-Germain, nos pasteurs n’ont jamais accepté de nous accorder ne serait-ce qu’une miette. Alors, lorsque aujourd’hui ils fondent leur refus de nous accorder quelques chose sur le motu proprio Traditionis custodes, qui revient sur près de 40 ans de cheminement vers la paix, eh bien, je ne les crois pas ! Ils étaient des custodes, des geôliers de la Tradition, bien avant le dernier motu proprio.
Paix liturgique : Quelle « miette » eussent-ils pu vous accorder ?
Germain de Paris : Une messe mensuelle le dimanche à 18h30 eût pu être une ouverture. Que sais-je, une messe basse, à la tombée de la nuit ou avant le lever du jour. Mais rien, rien de rien. Pas un geste, pas une aumône. Alors, aujourd’hui, ce que nous demandons, ce ne sont plus des miettes, ce n’est pas le sort des parias, mais la liberté des enfants de Dieu : pouvoir prier chaque dimanche et jours de fêtes, avec nos familles, nos jeunes, nos enfants, au rythme de la liturgie traditionnelle.Si vous le permettez je souhaiterais à mon tour vous poser une question : pourquoi Paix Liturgique s’intéresse donc tant à ce qui se passe à Saint-Germain-en-Laye ?
Paix liturgique : Parce que ce qui se passe à Saint-Germain-en-Laye aujourd’hui nous éclaire sur ce qui se passera demain en France et dans le monde si certains pasteurs jusqu’au-boutistes poursuivent, voir amplifient, une politique d’exclusion. Nous sommes catholiques à part entière. Comme les catholiques allemands, qui veulent tout casser : Wir sind Kirche, Nous sommes l'Église ! Sauf que nous ne voulons rien casser, mais au contraire tout reconstruire.
* Messe grégorienne à la chapelle des Franciscaines le dimanche à 9h30 et messe à 18h30 le samedi à la chapelle Saint-Louis de l’ancien hôpital.