Notre lettre 1058 publiée le 24 juin 2024

UNE CHRONIQUE DE PHILIPPE DE LABRIOLLE

SUR L'INDIGENCE INTELLECTUELLE

DEJA ANCIENNE...

DE NOS ÉVÊQUES

Le 19 juin dernier, une déclaration du Conseil Permanent de la Conférence des évêques de France était rendue publique. Le contexte en était, tel que notifié en préambule, le résultat français des élections européennes, et l’onde de choc de ces résultats sur le microcosme politicien.

Il y a bien longtemps qu’un catholique conscient de ses devoirs envers Dieu, envers le prochain, et envers l’Eglise, n’a rien à attendre d’une assemblée qui, elle-même, n’a cure du salut des âmes dont chacun des Ordinaires a la charge, et devra répondre devant le Juste Juge. La CEF n’entend pas paitre le troupeau, contrairement à sa mission, mais communiquer sa propre gnose, à savoir l’inscription de la doxa démocratique au rang de vertu cardinale, substituée ainsi à l’authentique vertu cardinale de force.

A la façon d’un bulletin de santé, et non d’une exhortation médicinale, un texte de la CEF informe sur l’organisme que constitue cette instance, qui tient un discours sur elle-même, faisant savoir largement qu’à l’instar du « conatus » de Spinoza, la CEF s’emploie à perdurer dans l’être. Faut-il pleurer, faut-il en rire, fait-elle envie ou bien pitié, qui aura le cœur à le dire ?

« Comme tous nos concitoyens, nous, catholiques, avons à exercer notre responsabilité démocratique ». De quelle façon ? Les sujets de cet énoncé, « nous, catholiques », s’adressent à d’autres « nous, catholiques », auxquels l’évidence du propos ne saute pas nécessairement aux yeux, mais qui savent fort bien percevoir qu’on les sermonne du haut de la chaire dans une relation dissymétrique.

Que peut bien signifier une « responsabilité démocratique », concept qui n’appartient pas à la Révélation, et qui, exploité sans lexique, sent l’arnaque épiscopale. Une responsabilité civique, voire citoyenne, pourrait suggérer de participer à une consultation civique, voire citoyenne, sous la forme d’un référendum, à réponse binaire, par exemple. L’explication du propos obscur est simple, et tout simplement triste : ce n’est pas à « nous, catholiques » que ce discours s’adresse, mais aux censeurs républicains qui surveillent la CEF, laquelle montre patte blanche par des locutions convenues.

La CEF n’a rien à dire aux catholiques du rang. Le texte du 19 courant est tragiquement vide, malgré les apparences iréniquement pieuses, voire ironiquement pieuses. Prier pour qu’un élu du peuple fasse la volonté de ses électeurs est déjà bien fantaisiste. Faire prier pour qu’un élu fasse la volonté de Dieu, ou encore œuvre au Bien Commun, que l’Assemblée résonne d’un perpétuel « Embrassons-nous, Folleville », quand seule la discipline partisane (et sa guillotine) prévaut, en France, où la démocratie est la seule religion imposée par la laïcité, n’est-ce pas, purement et simplement, se moquer du monde ?

Inutile toutefois de tirer sur l’ambulance. L’indignation ne saurait étouffer que celui qui s’en laisse envahir. Un texte récemment transmis par un chanoine ami aide à quelque mise en perspective, certes peu glorieuse pour nos Grandeurs, mais exposée par un observateur hautement qualifié, l’ambassadeur de France auprès du Saint Siège en 1958, Roland de Margerie. Voici les propos de Son Excellence : « A quelques exceptions près, l’on n’a pas l’impression que la moyenne de l’Episcopat se trouve au même niveau intellectuel que l’élite de la pensée catholique française contemporaine…Si la vigueur intellectuelle du catholicisme français frappe aujourd’hui les esprits, et si elle est très particulièrement reconnue à l’étranger (non sans provoquer bien souvent de la méfiance autant que de l’admiration), il faut se demander pourquoi ce n’est pas au sein de l’Episcopat que l’on en trouve les marques les plus saisissantes ».

Le jugement de l’ambassadeur à Rome se fait plus sévère, malgré ses précautions oratoires : « A côté de fortes personnalités, combien de prélats devenus fonctionnaires au sens le plus étroit du terme, soucieux d’éviter la critique ou le blâme en s’abstenant de toute initiative, satisfaits de suivre les sentiers battus en jetant à droite ou à gauche des regards inquiets, obscurément convaincus que leur tranquillité dépend de leur prudence, pour ne pas dire de leur passivité (…) En dépit d’une masse catholique française incomparablement plus puissante et mieux organisée qu’elle ne le fut sans doute jamais depuis 1789, l’épiscopat ne compte aujourd’hui aucune figure d’un format véritablement national." (Archives du Ministère des Affaires Etrangères, Paris, MAE, Europe 1944-1960, Saint Siège, 51, 51/EU, 13 février 1958, p.197-217).

Notons que c’est ce même épiscopat, enhardi par l’aula conciliaire, qui aura le front de se pousser du col (LG27) pour se donner un aplomb collectif si démesuré que le Pape Paul VI devra lui imposer une « nota prævia » assez mortifiante.

Si un catholique prie, à bon droit, pour être protégé de la malice et des embuches du démon, il n’est pas fondé à voir un suppôt de l’Ennemi du genre humain derrière chaque défaillant. Il faut aussi compter avec la médiocrité des responsables, démocratiques ou pas, leur lâcheté, leur paresse, et l’exhibitionnisme des parvenus. Sans oublier l’implacable principe de Peter, que l’on peut résumer ainsi : accéder le plus vite possible à son niveau d’incompétence. Plus familièrement, péter enfin plus haut que son c… ! Et s’en vanter…

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