Notre lettre 1070 publiée le 23 juillet 2024

UN COUP DE JARNAC FRANCO-ROMAIN

CONTRE LA COMMUNAUTE SAINT-MARTIN



UNE NOUVELLE CHRONIQUE
DE PHILIPPE DE LABRIOLLE
AU SUJET DU PAUVRE ABBE GUERIN



Mgr Mathieu Dupont, nouvel évêque de Laval (53000) depuis le 9 mars dernier, vient d’être désigné par Rome pour réformer, et non pour rectifier, la Communauté Saint Martin. Fondée en 1976 par l’abbé Jean François Guérin, né en 1929 et prêtre du diocèse de Tours depuis 1955, cette initiative et son projet ne trouvera pas un seul diocèse français pour l’accueillir fraternellement. C’est donc l’offre du Cardinal Siri, archevêque de Gènes, qui, reçue par l’entremise du Père Abbé de Fongombault, abbaye dont l’abbé Guérin est oblat, sera déterminante. A l’instar du Tour de France cycliste, qui débute volontiers hors des frontières de l’hexagone, le périple des « Saint-Martin » va, en quelques décennies, franchir la frontière et conduire à la dissémination fructueuse de ses troupes dans plus de trente diocèses français.

Lorsque la Communauté naquit, en exil, Mgr Dupont avait trois ans. Ce qui fait de lui le témoin des origines qu’il eût été navrant, convenons-en, de dédaigner. Que la pierre rejetée des bâtisseurs fut devenue la pierre d’angle de diocèses français frappés de stérilité, telle est bien la revanche qui fait grincer des dents à plus d’un Ordinaire français, y compris chez ceux qui ne sont pour rien dans l’ostracisme initial de 1976. Ordonné par Mgr Aumônier, évêque de Versailles, en 2003, l’inquisiteur mandaté n’a pu manquer d’en adopter la mentalité avaricieuse, que l’on peut résumer ainsi : tout prêtre ordonné en dehors de son diocèse est volé à son diocèse.

Les témoins oculaires des activités et perspectives de l’abbé Guérin sont encore très nombreux. Les boomers catéchisés avant le concile Vatican II ont vu, de leurs yeux vu, la cascade délétère des reniements, et notamment chez leurs propres aumôniers, prompts à sentir le vent tourner. L’abbé n’était pas des leurs, ne lâchant rien sur la Foi mais soucieux de répercuter les volontés du pape Paul VI. L’impératif d’abandonner la « Messe de Saint Pie V » au profit du « Nouvel Ordo Missae », dès lors que Paul VI l’exigeait, ne le laissait pas en repos. Les désirs du pape sont des ordres. A fortiori s’il s’agit d’ukases. Prêtres amis restés fidèles au rit traditionnel et simples pénitents du confessionnal n’y coupaient pas. Le salut éternel était en jeu. S’agissait-il d’un abus ? D’une tentative, certes, mais il suffisait de se soustraire à la pression.

Du reste, l’abbé s’employait à montrer, par son zèle liturgique, sa célébration " Tourné vers le Seigneur", le latin omniprésent, la prédication hiératique en chaire, et l’encens à tous les étages, que l’on pouvait, sans vertige, franchir le hiatus entre les deux rits. La démonstration s’avérait si probante que l’espion dépêché par Mgr Marty, l’archevêque de Paris, n’y a vu que du bleu, dénonçant à tort l’opiniâtre du rit proscrit…Bref, si l’urgence des évêques du « Coetus » était, au dernier concile, de ne pas gêner l’action du pape, fût-elle troublante, pareil souci servait de boussole à l’abbé-fondateur. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’aucune mitre française ne voyait le Nord au même pôle que lui.

La vengeance est un plat qui se mange froid. Près de vingt ans après le décès de l’abbé, devenu Prélat de Sa Sainteté en 1987, la pléthore de jeunes gens près à incarner, en 2024, le modèle du prêtre tridentin tel que coaché par la Communauté Saint Martin, sans oublier l’agrément de ce renfort par un tiers des diocèses français, une telle revanche des soutanes devait être endiguée. Quoi de plus efficace que d’en salir le fondateur, par tous les moyens, même légaux ?

L’abbé Paul Préaux, Modérateur Général de la Communauté Saint Martin, a vu grossir le risque d’un retour de manivelle, notamment lorsque le renfort de séminaristes quittant les rangs de la Fraternité Saint Jean déconsidérée a dopé le vivier déjà constitué. C’est donc avec une certaine habileté que cette fondation de droit pontifical a sollicité un accompagnement qualifié pour accompagner la crue, et non pour l’endiguer.

Mais la désignation d’un évêque français stérile pour recadrer une communauté presbytérale féconde met en évidence un conflit d’intérêt. Le très jeune âge de l’impétrant ne peut que le conduire à s’adosser au témoignage de ses ainés, en forme probable de plaidoyers pro domo. A l’évidence, il s’agit de donner raison, à titre posthume, aux évêques, défiants à tort, des seventies. Un expert partisan n’est pas un expert, mais une taupe. Si la Communauté Saint-Martin est de droit pontifical, sa domiciliation actuelle à Evron dans le diocèse de Laval ne fait pas de l’évêque en place leur évêque de tutelle. Contrairement à le Communauté Saint Jean qui, sise à Fley (71390), relevait de l’évêque d’Autun, en l’occurrence d’une passivité épinglée par le rapport global.

Mettre de la clarté et de la vérité dans l’histoire initiale, à supposer qu’elle en manquât, c’est à l’évidence mettre en doute, a posteriori et hors contexte, la probité du fondateur. En droit pénal, c’est attenter à la mémoire d’un mort. Exciper de pleurnicheries tardives, c’est chercher à le déconsidérer sans risque de démenti ni d’instruction judiciaire. Ceci pour tenter de disqualifier son œuvre, dont il s’agit d’infléchir le cours, en ouvrant « une nouvelle étape de son histoire » (sic !). Ainsi la feuille de route assumée par l’Ordinaire de Laval et publiée par la Communauté Saint Martin ne dévoile pas le mandat romain, dont les termes exacts pourraient ne pas être publiables. Mais, assurément, sa lecture donne la nausée. Car l’objectif romain global, largement documenté, c’est d’éradiquer tout ce qui forme des prêtres tridentins, hommes séparés pour la gloire de Dieu, démentis vivants à la gnose de la fraternité universelle.

La désignation de l’évêque de Laval pour réformer la Communauté Saint Martin est un coup de Jarnac franco-romain. Celui qui feint d’être un pasteur pourrait bien être un loup prêt à dévorer les brebis trop confiantes. L’abbé Paul Préaux a du souci à se faire s’il peine à distinguer l’ennemi de l’ami. Gageons que ses troupes donneront du fil à retordre à la mouche du coche, fût-elle mitrée.

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