Notre lettre 1159 publiée le 7 février 2025

UN PAPE QUI DIVISE

UNE ÉGISE FRACTURÉE

À QUAND UN COADJUTEUR

POUR LE PAPE FRANÇOIS ?

UNE CHRONIQUE
DE MARTIAL DUMONT

Dans une dernière lettre nous étions resté sur l'argument universel pour décapiter des évêques, surtout s'ils réussissent et que leurs séminaires sont pleins, celui des mécontents qu'ils ne manquent pas de faire, et des diocèses « divisés ». Cependant, qui inspecte les inspecteurs ? Depuis douze ans que dure le pontificat du pape François, les divisions se font de plus en plus nettes, les affirmations hétérodoxes se multiplient, les processus qui tendent à transformer l'Eglise en une autre entité aussi – citons notamment la synodalité – et on en arrive évidemment au point où le Pape boude ostensiblement de grands pays de chrétienté comme la France ou les Etats-Unis, avec lesquels le dialogue semble rompu.


Les voyages du Pape : la Mongolie ou Bahreïn plutôt que Paris ou l'Allemagne

Dernièrement, le Pape François est allé en Corse – mais a boudé la réouverture de Notre-Dame, et il s'est illustré en septembre 2023, annonçant son passage en Provence, en affirmant qu'il « allait à Marseille, pas en France » - deux passages qui ont d'ailleurs coûté très cher aux diocèses concernés, puisqu'on parle de 2 millions d'euros en Corse et plus d'un million et demi à Marseille. Jusque là, il n'était allé faire qu'un court passage pour prononcer un discours à Strasbourg en 2015. Le « peuple de Dieu » français, trop conservateur probablement, attendra.

De même, il n'est allé qu'une fois aux Etats-Unis, en 2015 – avec Cuba où il est revenu en 2016 – et la bénédiction envoyée à Trump avec son vœu de « construire une société plus juste » où il qualifie les Etats-Unis de « terre d'opportunité et d'accueil pour tous » semble à des années-lumière du programme du nouveau président américain... et ne va guère rouvrir le dialogue.

Pour un Pape qui souhaite rapprocher les Chrétiens entre eux et n'a pas hésité à multiplier les voyages, François a plutôt boudé les grands pays de chrétienté : il est allé au Brésil une fois en 2013, en Corée du Sud en 2014, aux Philippines en 2015, en Pologne en 2016, au Portugal en 2017, en Irlande en 2018, soit autant de fois qu'en Bosnie (2015), Centrafrique (2015), Géorgie et Azerbaïdjan (2016), au Bangladesh (2017), dans les Pays Baltes (2018), aux Emirats Arabes Unis (2019), au Maroc et en Macédoine du Nord (2019), ou encore à Malte (2022), au Kazakhstan pour une rencontre œcuménique (2022), Bahreïn (2022), ou encore en Mongolie (2023), pays qui compte 1450 catholiques.

Certes, le pape François « pourrait visiter l'Inde plus tot que prévu », le sous-continent n'ayant plus vu un Pape depuis Jean-Paul II en 1999, mais des pays catholiques d'importance tels que l'Espagne, la Russie, l'Allemagne, l'Autriche, ou des pays d'importance tels que la Russie ou la Chine ont été purement et simplement ignorés par le pape François dont on peut constater une vision plutôt bancale et de la diplomatie, et du souci de ses fidèles à travers le monde... ou tout simplement en Europe.


Un pape qui condamne les divisions... mais les multiplie

Dès le début de son pontificat, le pape François s'est attaqué aux divisions dans l'Eglise, les a condamnées, brocardées. Le 27 août 2014 en audience générale, il affirmait avec force « dans une communauté chrétienne la division est l'un des péchés les plus graves, car il fait d'elle le signe non de l'oeuvre de Dieu, mais de l'oeuvre du Diable, qui est par définition celui qui sépare, qui détruit les relations, qui insinue les préjugés. La division dans une communauté chrétienne […] est un très grave péché, car elle est l'oeuvre du Diable ».

Et qu'a fait le pape François ? Après avoir posé le constat... il a multiplié les divisions, notamment avec les textes qui'il a validé et qui ont généré des clivages croissants. En 2015, ce ne sont guère que les plus conservateurs des chrétiens qui s'opposent à Laudato Si (Cath CH 28/8/2015) qui véhicule selon eux la mise de l'Eglise au service de « l'imposture écologique » et du « lobbying malthusien », ainsi que, à l'opposé, des écologistes non chrétiens qui déplorent que le Pape n'encourage pas la limitation de la démographie (RCF 28/8/2017) – autrement dit l'avortement et la contraception. Un pape qui endosse l'avortement pour sauver la planète, même s'il s'agit du pape François, c'est difficile à imaginer. Ainsi ces critiques très marginales sont passées inaperçues.

Mais en 2016, ce ne sont déjà quatre cardinaux, Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner qui présentent bien humblement leurs « dubia » au Pape après Amoris Laetitia – la démarche fait date, tandis que la presse catholique en Italie et aux Etats-Unis relève des « divisions au sommet de la hiérarchie » de l'Eglise au sujet des textes et des initiatives du pape François.

Accrus par le synode sur l'Amazonie, l'opprobre créée par l'adoration des Pachamamas – des représentations d'une déesse païenne – le 4 et le 7 octobre 2019, avant qu'un catholique autrichien horrifié par cette double profanation ne les récupère, exposées dans une église proche du Vatican, et ne les jette dans le Tibre le 21 octobre, ces divisions croissantes ont été ignorées par le Pape.

Ce dernier a en effet multiplié ensuite pendant la pandémie du Covid les signes de soumission à la dictature sanitaire, appelant régulièrement les chrétiens à se vacciner « par acte d'amour ». Et en même temps, le Vatican menaçait de licenciement les employés qui refusaient le vaccin – ce qui a été le cas in fine, malgré les démentis du Saint-Siège – un journal suisse romand, l'Illustre.ch publiait le 15 octobre 2021 les témoignages de six gardes suisses « jetés comme des pestiférés » car ils ont refusé le vaccin – visiblement, « l'amour » et les câlins gratuits ça va cinq minutes, mais le pape François préfère les actes d'autorité.

Seulement, l'autorité qui n'inspire pas le respect finit par être mise en échec. La chasse aux sorcières mondiale contre les fidèles de la messe traditionnelle, introduite par le motu proprio Traditionis Custodes en juillet 2021 – un véritable pass sanitaire liturgique semblable aux pass sanitaires exigés alors par un nombre croissant d'états occidentaux et d'Asie du sud-est, promettant un bannissement social aux non-vaccinés, a continué à déliter l'autorité naturelle du Pape et le respect du à ses initiatives, dont on voyait maintenant de plus en plus clairement le dévoiement vers quelque chose de très éloigné du magistère traditionnel de l'Eglise, et même de l'Eglise en général.


Crise ouverte : avec Fiducia Supplicans, la majorité des chrétiens rejette un texte du Pape

Et ce qui devait arriver arriva le 18 décembre 2023 avec Fiducia Supplicans, un texte bâclé du cardinal Fernandez, théologien argentin, auteur de romans mystico-érotiques dans sa jeunesse et compatriote du pape François, permettant des bénédictions non sacramentelles pour les couples en situation irrégulière pour l'Eglise – et notamment les unions LGBT.

Sous couvert d'encadrer des dérives qui avaient déjà lieu dans des diocèses de l'ouest de l'Europe – notamment en Belgique, Autriche et en Allemagne, dans certains pays d'Amérique Latine (Uruguay, Argentine) et certains diocèses « progressistes » américains – églises pavoisées aux drapeaux LGBT, chars paroissiaux dans les gay-pride, évêques ouvertement pro-LGBT, liturgie pour les bénédictions d'unions LGBT comme dans les diocèses flamands, et certainement de bien se faire voir des grands de ce monde, le pape François s'est pris un mur.

En France, seuls une demi-douzaine d'évêques approuvent Fiducia Supplicans (dont Metz, Nancy, Verdun, le Havre, Poitiers) tandis que les dix évêques de la province ecclésiastique de Rennes, à contrario, publient en janvier 2024 un texte commun qui appelle à ne pas bénir des couples homosexuels à l'Eglise, mais seulement des personnes individuelles. Le patriarcat de Moscou condamne le texte, et les coptes orthodoxes rompent le dialogue théologique avec l'Eglise catholique – le texte aura réussi à diviser un peu plus les Chrétiens entre eux, au-delà de l'Eglise catholique.

Fiducia Supplicans est aussi rejeté – en ce qu'il permet de bénir des unions homosexuelles – par les évêques ou les conférences épiscopales de Pologne, Hongrie, Ukraine (rite latin), Biélorussie, Russie, Kazakhstan, Etats-Unis, Singapour...et surtout toutes les conférences épiscopales d'Afrique en-dehors de celles du Maghreb, qui représentent des églises ultra-minoritaires dans des pays presque entièrement musulmans. Le 16 janvier, le cardinal Ambongo, président du symposium des conférences épiscopales d'Afrique et du Madagascar, charge « l'Occident en perte de vitesse en terme de valeurs » et ses « mœurs décadentes ».

Alors que les évêques allemands, qui persévèrent dans leurs erreurs, parlent de couper court aux subsides qu'ils envoient aux catholiques en Afrique, et notamment à ceux du Malawi qui ont été les premiers à rejeter sèchement Fiducia Supplicans, le Vatican commence à rétropédaler péniblement, en proposant le 4 janvier « une bénédiction en dix ou quinze secondes », puis en permettant aux évêques africains de ne pas en tenir compte. Ce qui n'empêche pas le cardinal Ambongo de revenir à la charge en mars, en affirmant que le texte avait été ressenti par les catholiques africains comme une « colonisation culturelle » occidentale, puis en août « Fiducia Supplicans est enterrée, on n'en parlera plus », déclaration qui n'a pas été démentie par le pape François.

Et pour cause ! Si Fiducia Supplicans n'a jamais été appliquée en Afrique ou dans le monde russe, il y a des évêques et des prêtres d'Europe de l'ouest et d'Amérique Latine qui continuent à bénir sous le manteau des unions homosexuelles – surtout si le demandeur paie bien ou est une figure connue, bien qu'ils n'en ont pas le droit, il continue à y avoir des drapeaux et des « messes » LGBT dans des églises en Suisse ou à New York. Bref, le désordre demeure, l'Eglise dit désormais tout et son contraire, les divisions se sont accrues, des fidèles se sentent perdus. Et surtout pour la première fois depuis très longtemps, une majorité de chrétiens, via leurs évêques ou directement, se sont opposés au texte d'un Pape, et l'ont rendu caduc. Mais pas officiellement abrogé.


Le Pape et les tradis : dentelles et préjugés

En août 2014, le Pape François l'avait dit : « l'oeuvre du Diable, qui est par définition celui qui sépare, qui détruit les relations, qui insinue les préjugés ».

Et à propos de préjugés, les lecteurs du dernier livre du pape François, Spera (Espère) en janvier 2025, ont été servis, lorsqu'il entreprend de justifier sa persécution des fidèles de la messe traditionnelle en deux pages (268 et 269), et qu'il renvoie la messe traditionnelle à une affaire de « toilettes recherchées et coûteuses, de dentelles, de rubans, de chasubles » portés par des malades mentaux : « ces déguisements dissimulent des déséquilibres, des déviations affectives, des problèmes comportementaux […] quelque chose qui cloche, qui pousse à dissimuler sa propre personnalité dans des contextes fermés ou sectaires ».

Calomnier des fidèles et des prêtres parce qu'on n'est pas d'accord avec eux, pour paraphraser le titre d'un livre d'entretiens politique qui a fait date, un Pape ne devrait pas dire ça... d'ailleurs même le correcteur en a eu marre, en laissant ostensiblement saint Vincent de Lérins, cité par le Pape François pour béquiller son raisonnement bancal, au... « XVe siècle ».

Et la schizophrénie du pape François frappe à nouveau : « si on n'avance pas, si on ne bouge pas, la vie, qu'elle soit végétale, animale ou humaine, meurt ». Le pape François s'est pris le mur avec Fiducia Supplicans, mais il continue à faire comme si de rien n'était. Sur les vaccins, on sait maintenant qu'ils étaient coûteux et inefficaces, sur les mesures sanitaires, qu'elles ont aggravé les conséquences sociales et sociétales à long terme, qu'elles ont fait plus de mal que de bien. Qu'importe au pape François, il ne fera pas amende honorable pour s'être trompé.

Sur l'écologie, les divorcés-remariés, la messe traditionnelle, la synodalité, ses initiatives ont semé la division et perdu les fidèles. Mais le pape François ne bouge pas, et ceux qui ne sont pas d'accord sont des malades mentaux enrubannés de dentelles – il continuera à utiliser contre eux les préjugés, à les séparer du reste de l'Eglise, à les désigner comme ennemis, à diviser, à perdre et embrouiller par ses déclarations contradictoires et toujours tonitruantes ceux qui essaient de suivre la le fil du magistère de l'Eglise.

Lorsque le clergé ne veut plus d'un évêque calamiteux, celui-ci est changé de poste et transféré, comme Mgr Wintzer de Poitiers à Sens et Mgr Scherrer de Laval à Perpignan. Lorsque la chrétienté ne veut plus d'un Pape calamiteux, qui arrêtera le massacre ? 

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