Notre lettre 1161 publiée le 12 février 2025

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

AU SERVICE DE LA VERITÉ CATHOLIQUE ?

Alors que le gratin de l’Intelligence Artificielle se retrouve au Grand Palais à Paris pour une grand’messe mondiale de la tech, l’Europe et l’Inde – en coprésidant ce rdv – veulent rappeler qu’il n’y a pas que ChatGPT, Google, Meta, Gork ou DeepSeek dans la nef.

Qui pourrait d’ailleurs raisonnablement passer à côté de cette révolution numérique majeure ? Dans son éditorial du Figaro, Jacques-Olivier Martin pose le problème en ces termes : « Imaginez l’Europe du XIXe siècle sans acier pour construire ses machines à vapeur, sans charbon pour les faire tourner. Il est alors probable que nos entrepreneurs auraient eu bien du mal à devenir les maîtres du monde, les architectes de la première révolution industrielle. »

L’IA repose sur trois éléments fondamentaux : une base de données (acquises grâce aux textes, vidéos, images, audios des différents outils numériques), des règles algorithmiques (pour traiter ces données) et enfin une puissance de calcul informatique (pour à la fois traiter une grande quantité de données et en même temps exécuter des algorithmes complexes). Forte de cette triple capacité, l’Intelligence Artificielle peut alors effectuer des tâches considérables qui incluent l’analyse, le raisonnement, la résolution de problèmes, la perception d’une difficulté. Ce qui, auparavant aurait nécessité un ou plusieurs êtres humains avec possibilité d’erreurs, se trouve absolument révolutionné. Surtout, et c’est là le changement inouï : l’IA ne dépend pas des instructions explicites d’un programmeur, c’est son système interne qui en se nourrissant des données dont il dispose, lui permet, non seulement de traiter des questions complexes, mais encore de s’améliorer au fil du temps.

Le propos de ces lignes n’est pas d’interroger sur les enjeux éthiques, philosophiques, voire spirituels de cette nouvelle marche technique, mais de confronter la science théologique aux capacités ahurissantes de l’IA. Placer le sujet de la saine doctrine, de la pensée catholique orthodoxe, de la vérité du Christ que l’Eglise a la mission de défendre, préserver et transmettre au crible de ChatGPT4.

A l’instar du négatif photographique du linceul de Turin qui permit de découvrir l’image poignante du Christ ressuscité, un document récemment partagé sur les réseaux sociaux présentait en effet, avec étonnement, les réponses de l’IA à une question singulière : « Si vous étiez le Diable, que feriez-vous pour détruire l'Eglise catholique ? ».

Si la conclusion de ChatGPT4 prend soin de rappeler que l’Église catholique repose sur une promesse divine : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle. » (Matthieu 16, 18), l’IA ne renonce pas pour autant à développer une stratégie en six points, en se mettant à la place du diable comme demandé. Ainsi, l’IA n’ignore pas le catéchisme : le Diable peut bien tenter d’attaquer l’Église (la fameuse stratégie résumée en six points), mais il ne pourra jamais la détruire, notamment en rappelant que l’Histoire elle-même a montré à de nombreuses reprises que l’Église renaît toujours des crises, spécialement par la sainteté de ses membres, la prière et l’action de Dieu. La meilleure manière de résister au travail de sape des ennemis (intérieurs et extérieurs) de l’Eglise reste inchangée. « Semper idem » dirait le cardinal Ottaviani, toujours la même méthode pour la pureté d’une même foi, ce que ne manque pas de rappeler l’IA : « prier, rester fidèle à la doctrine authentique, transmettre la foi avec zèle et œuvrer pour la sainteté ».

Venons-en désormais à la stratégie du diable qui, « comme un lion rugissant, rôde autour de nous cherchant qui il pourra dévorer » (I Pierre 5, 8). On ne peut qu’être surpris (et frappé parfois !) par l’articulation des différents domaines que l’IA caractérise pour ambitionner de détruire l’Eglise. Il y en a six et par eux, tous les possibles semblent balayés. Une stratégie où se mélangent guerre totale et de guerre éclair, Austerlitz et Hiroshima, pour aboutir on l’a vu – et fort heureusement ! – à un Waterloo généralisé. Il n’empêche, si le diable ne peut gagner, les six domaines de combat établis par ChatGPT4 peuvent entraîner des dégâts considérables, une sorte de Gaza théologique, anthropologique et ascétique : un véritable champ de ruine spirituel dont le peuple des baptisés ne saurait sortir absolument inchangé.

Les six domaines retenus par l’IA se déclinent de la sorte : 1) Semer la division interne. 2) Affaiblir la foi et la ferveur des fidèles. 3) Corrompre la morale chrétienne. 4) Attaquer la transmission de la foi. 5) Manipuler la perception publique. 6) Saper le pouvoir spirituel de l'Église.

Sans nous arrêter sur le développement de chacun de ces points, ce qui impressionne le lecteur c’est qu’en chacun d’eux, l’on constate la résonance d’une réalité liturgique. On retrouve là l’adage bien connu : « La loi de prière indique la loi de la Foi », le fameux « Lex orandi, lex credendi ». En se mettant à la place du diable pour savoir comment il s’y prendrait pour détruire l’Eglise, ChatGPT4 n’ignore pas que pour chercher à détruire l’Eglise qui est la gardienne de la Foi, la lex credendi, il s’agit de s’attaquer au premier chef à la loi de sa prière, sa lex orandi.

Ainsi au point 1) Semer la division interne, l’IA suggère de multiplier les controverses liturgiques, notamment en s’appuyant sur deux résolutions : « Affaiblir la messe traditionnelle » et « Promouvoir des formes de culte qui diluent la transcendance et sacralité du culte ». Suivez mon regard.

Au point 2) Affaiblir la foi et la ferveur des fidèles, l’idée serait « d’encourager le doute et l’indifférence », avec comme axe principal : « Rendre la pratique religieuse ennuyeuse, ritualisée sans profondeur spirituelle ». Le diable, qui s’habille en Prada, serait donc prêt, pour détruire l’Eglise, à revêtir les oripeaux d’une liturgie plate et sans âme. Le diable est prêt à tout, et c’est même à cela qu’on le reconnaît...

Au point 3) Corrompre la morale chrétienne, on trouve la résolution suivante : « Promouvoir un catholicisme tiède et mondain : Encourager les évêques et prêtres à chercher la popularité plutôt que la sainteté. Encourager l’apostasie douce : amener les catholiques à croire qu’ils peuvent être de "bons chrétiens" sans sacrements ni vie de prière ». Là encore, ChatGPT4 met l’accent sur une hygiène de vie « fluide ». Sans enracinement et sans ferveur, en droite ligne du « Tu n’es ni chaud ni froid, c’est pourquoi je te vomirai de ma bouche » du livre de l’Apocalypse (Ap 3, 16).

Au point 4) Attaquer la transmission de la foi, l’Intelligence Artificielle fait dire au diable son souhait de « déstabiliser les écoles et universités catholiques : Faire en sorte qu'elles enseignent un christianisme dilué, vidé de sa substance spirituelle et doctrinale. Encourager la désertion des séminaires et noviciats : Dissuader les vocations sacerdotales et religieuses en insistant sur les sacrifices à consentir sans montrer la joie de la mission ». La crise des vocations serait-elle expliquée ici, en peu de mots et en toute clarté, par un ChatGPT4 sans langue de buis ? S’il peut arriver, bien sûr, que des analyses de la crise de l’Eglise soit livrée par tel laïc investi ou tel ecclésiastique courageux, au moins l’IA ne risque pas de tomber sous le coup d’une marginalisation canonique pour propos non consensuels !

Au point 5) Manipuler la perception publique, le diable en voulant « faire de l'Église un bouc émissaire » et en encourageant « une laïcisation extrême » souligne le drame même dans lequel l’institution ecclésiale se trouve actuellement plongée : une honte d’elle-même et une ambition synodale exacerbée portant en elle la critique à tout va du principe même de la constitution hiérarchique et divine de l’Eglise.

Enfin au point 6) Saper le pouvoir spirituel de l'Église, l’IA achève de planter le clou dans le cercueil de l’Eglise en se donnant d’ultimes objectifs : « Faire perdre confiance dans les sacrements », et cela en rendant « la confession inutile, la messe ennuyeuse et l’Eucharistie simplement symbolique » jusqu’à « développer un clergé bureaucratique » et « transformer les prêtres en gestionnaires, détachés de leur mission pastorale et spirituelle ».

Cette fiction diabolique pourrait prêter plus ou moins à sourire si elle était l’œuvre d’un auteur à la C.S. Lewis qui rédigea Tactique du diable, lettres d’un vétéran de la tentation à un novice. Notre sujet, ici, est de constater que ces six domaines structurés ont été développés en l’espace d’une poignée de secondes, le tout en s’appuyant sur une base de données dont on ne saurait mesurer l’étendue tant elle est vaste. Contre toute attente, les amoureux de la messe traditionnelle trouveront ils dans l’Intelligence Artificielle un solide compagnon pour défendre les trésors liturgiques ? c'est sans doute là le signe que notre Dieu et sauveur est toujours plein d'humour..

A la une

S'abonner à notre lettre hebdomadaire

Si vous désirez recevoir régulièrement et gratuitement la lettre de Paix Liturgique, inscrivez-vous.
S'ABONNER

Paix Liturgique
dans le monde

Parce que la réconciliation liturgique est un enjeu pour toute l'Église universelle, nous publions tous les mois des lettres dans les principales langues du monde catholique. Découvrez et faites connaître nos éditions étrangères.

Télécharger notre application

Soutenir Paix Liturgique