Notre lettre 361 publiée le 13 novembre 2012
PONTOISE : UNE SITUATION DRAMATIQUE ET UNE DEMANDE « EXTRAORDINAIRE » PARTICULIÈREMENT FORTE
POUR UNE PASTORALE RÉALISTE
62 % des pratiquants du diocèse prêts à assister au moins une fois par mois à la forme extraordinaire dans leur paroisse : c’est un des plus forts résultats mesurés depuis plus de 10 ans.
Les évêques du monde revenus du Synode romain sur la Nouvelle Évangélisation et les évêques de France revenus de l’Assemblée de Lourdes n’ont pas vraiment le moral. Nous partageons leur angoisse. Il est cependant un fait massif en France, que tous commencent à accepter de manière réaliste : toutes les sensibilités « particulières », spécialement celles qui attirent des jeunes et engendrent des vocations – au premier rang desquelles la « sensibilité » traditionnelle –, doivent trouver toute leur place. Cela est vrai au sein des séminaires, et commence à être entendu. Cela est vrai au sein des paroisses, et doit être compris. Actuellement vacant – son dernier évêque, Mgr Riocreux, ayant été nommé en Guadeloupe cet été –, le diocèse de Pontoise correspond au département du Val-d’Oise, soit 1200 km2 pour 1,1 million d’habitants. Selon La Croix, c’est un diocèse « sinistré » en ce qui concerne le nombre de prêtres : La Documentation catholique, dans son numéro 2492 de juin 2012, y dénombrait 160 prêtres en activité mais seulement 75 incardinés localement.
Cette situation et le sondage qui suit invitent à souhaiter pour Pontoise un jeune prélat réaliste, qui sache tenir compte des réalités pastorales d’aujourd’hui.
Nous vous proposons donc cette semaine, à l’occasion de la publication des résultats du sondage que nous y avons fait réaliser en juillet dernier, notre enquête sur l’application du Motu Proprio dans ce diocèse détaché de celui de Versailles en 1966.
I – LA SITUATION DE LA FORME EXTRAORDINAIRE DANS LE DIOCÈSE
Avec le début d’application, ce dimanche 18 novembre 2012, du Motu Proprio pour les fidèles de la vallée de Montmorency – célébration à 18 heures au Plessis-Bouchard –, on peut dire que la situation dans le diocèse de Pontoise, à défaut d’être satisfaisante, est tout du moins apaisée. Il est loin l’été 1990, quand une centaine de fidèles attachés à la liturgie traditionnelle envahissait la cathédrale Saint-Maclou, non sans bousculades reprises par les journaux télévisés du soir, pour y entendre la messe célébrée par un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X.
En dehors de cette nouvelle messe au Plessis-Bouchard, quatre messes hebdomadaires selon la forme extraordinaire du rite romain sont en effet célébrées dans le diocèse : les samedis et veilles de fête à Villaines-sous-Bois à 18h30, le dimanche à 9 heures à Villiers-le-Sec, le dimanche à 11 heures à Butry-sur-Oise (depuis septembre 2010) et le dimanche à 11 heures à Belloy-en-France. Et si, depuis fin mai 2009, il est vrai qu’il n’y a plus de messe traditionnelle diocésaine à Pontoise même, il faut bien reconnaître que la chapelle qui l’abritait était dans un tel état de décrépitude que les fidèles ne s’y pressaient plus beaucoup, lui préférant la messe offerte par la Fraternité Saint-Pie X en la chapelle Saint-Mathias.
Si l’on considère la géographie et la population du département, il y a toutefois un déséquilibre qui saute aux yeux : les messes ne sont offertes qu’en zone rurale. L’arc Argenteuil-Sarcelles-Gonesse, qui concentre plus d’un tiers des habitants du département sur à peine 15 % du territoire, est dépourvu de toute célébration. La messe de Butry-sur-Oise, supposée compenser l’arrêt de celle de Pontoise, est une messe de village pour laquelle il faut prendre sa voiture et pas une messe de quartier où l’on se rend à pied. Et la nouvelle célébration du Plessis-Bouchard, même si elle émane d’une demande faite pour toute la Vallée de Montmorency, soit près de 300 000 habitants, n’est qu’une réponse embryonnaire puisque la messe n’aura lieu que toutes les 6 semaines.
On observe d’une certaine façon dans le Val d’Oise ce que l’on connaît à Paris : pas de messe traditionnelle dans les zones populaires.
II – LES RÉSULTATS DU SONDAGE DIOCÉSAIN
L’étude a été réalisée par l’institut JLM Études auprès d’un échantillon de 1166 personnes représentatives de la population de 18 ans et plus du département du val d’Oise dont 429 seulement se sont déclarées catholiques, soit 36,8 %.
Ce résultat diffère d’un des arrondissements du département à l’autre puisque l’on a :
- 32,5 % de catholiques pour l’arrondissement de Pontoise (qui englobe pourtant tout le Vexin),
- 38,4 % pour celui de Sarcelles (où réside une forte communauté assyro-chaldéenne),
- 43,4 % pour celui d’Argenteuil.
Comme pour le diocèse d’Évry, on retrouve le chiffre alarmant de seulement 16,6 % des 18-29 ans se déclarant catholiques (contre 50,7 % des plus de 60 ans) mais on constate aussi une très forte disparité entre les sexes puisque si 45,4 % des femmes se déclarent catholiques, seulement 27,3 % des hommes en font autant.
Les résultats qui suivent portent sur les personnes interrogées s’étant déclarées catholiques.
a) Assistance à la messe
12,5 % des sondés déclarent assister à la messe chaque semaine ;
12,3 % une à deux fois par mois ;
20,3 % pour les grandes fêtes ;
45,1 % occasionnellement ;
9,1 % jamais ;
0,6 % ne répondent pas.
Dans les réponses suivantes, nous considérerons les 24,8 % de catholiques diocésains assistant à la messe au moins une fois par mois et que nous appellerons, comme le veulent les catégories sociologiques, les “ pratiquants ”.
b) Connaissance du Motu Proprio
59,9 % des catholiques pratiquants du diocèse disent connaître le Motu Proprio Summorum Pontificum contre 40,1 % qui n’en ont jamais entendu parler. C’est un taux qui se situe au niveau de la moyenne nationale.
c) Perception du Motu Proprio
56,4 % des sondés (base : catholiques pratiquants) trouvent normale la coexistence des deux formes du rite romain au sein de leur paroisse ;
21,5 % n’ont pas d’avis ;
22,2 % la trouvent anormale, ce qui est le taux de résistance dans la moyenne de nos autres sondages.
d) Participation à la forme extraordinaire
À la question « Si la messe était célébrée en latin et grégorien sous sa forme extraordinaire dans votre paroisse, sans se substituer à celle dite “ ordinaire ” en français, y assisteriez-vous ? »
29,1 % des pratiquants déclarent vouloir y assister chaque semaine,
32,9 % à un rythme mensuel,
soit 62 % des pratiquants actuels du diocèse de Pontoise qui iraient au moins une fois par mois participer à une messe en latin et en grégorien selon le missel de 1962… si le texte du pape était appliqué dans leur propre paroisse.
Ce résultat se situe parmi les plus forts au regard de tous ceux mesurés jusqu’ici depuis plus de dix ans.
III – LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE
1) 62 % : six pratiquants sur dix du diocèse de Pontoise vivraient leur foi y compris au rythme de la forme extraordinaire du rite romain, si celui-ci était le bienvenu dans leur paroisse. On peut on peut faire l’hypothèse que le taux des pratiquants qui aimeraient assister à la messe traditionnelle est en voie d’augmentation constante : s’agissant donc du dernier sondage en date, il donne un chiffre particulièrement important. Mais en toute hypothèse, le fait est là pour le diocèse étudié. Nous nous engageons à ce que ce résultat soit porté à la connaissance du futur évêque de Pontoise dès sa nomination. Le Saint-Père, dans son message adressé aux pèlerins Summorum Pontificum, à Saint-Pierre de Rome, le 3 novembre, parlait de « juste place » que devait recevoir la forme extraordinaire. 62%... Soyons, nous aussi, réalistes : cette juste place pourrait être accordée par degrés.
Mais cela pourrait inviter le futur évêque de Pontoise à faire de la réconciliation liturgique l’un des objectifs premiers de son diocèse et l’un des arguments de la Nouvelle Évangélisation à laquelle il ne manquera pas d’être sensible alors que seulement 27,3 % des hommes et 16,6 % des 18-29 ans du territoire qui lui sera confié se reconnaissent encore catholiques.
2) Un mot de l’ensemble Belloy-en-France, Villiers-le-Sec et Villaines-sous-Bois administré par l’abbé François Scrive. Pour beaucoup de familles du nord de l’Île-de-France et du sud de la Picardie, Belloy-en-France est un lieu symbolique et historique car c’est la seule paroisse de la région à avoir conservé sans interruption la liturgie traditionnelle en dépit de la réforme conciliaire. Tout le mérite de cette histoire singulière revient à la ténacité de l’abbé Pierre Lourdelet, curé de 1965 à 2004, et à la qualité de son successeur, l’abbé Scrive.
3) Évêque de Pontoise de 2003 à 2012, Mgr Riocreux a toujours démontré au cours de son apostolat une sincère écoute des besoins des fidèles attachés à la messe traditionnelle. En 2004, il a accepté de maintenir la spécificité liturgique et pastorale de Belloy-en-France en allant chercher l’abbé Scrive dans le diocèse voisin de Beauvais. À deux reprises, il y a même procédé aux confirmations selon la forme extraordinaire du rite romain.
En outre, Mgr Riocreux – qui refusait toutefois l’idée de faire appel aux communautés Ecclesia Dei – a également permis à l’abbé Cayla, ancien desservant du Chesnay, de s’installer à Butry-sur-Oise, à la fois pour y tenter la fondation d’un Oratoire et pour y célébrer la forme extraordinaire. Si, comme nous l’avons remarqué, Butry n’est pas Pontoise, ce n’est pas pour autant un lieu de deuxième choix car l’application locale du Motu Proprio a permis de ramener le culte catholique dans une église – et, partant, un village – qui n’avait pas vu de prêtre titulaire depuis vingt ans.
4) En dehors de la demande " Pour la liturgie traditionnelle en Vallée de Montmorency " qui est en cours de satisfaction avec la première messe annoncée ce dimanche 18 novembre 2012 au Plessis-Bouchard, quatre demandes ont été portées à notre connaissance depuis 2007 :
a) Argenteuil : ou existe un foyer historique de demandeurs depuis plus de 25 ans,
b) Osny,
c) Cergy,
d) et bien évidemment Pontoise depuis la fermeture de la chapelle de l’Hermitage.
Il n’est pas exagéré d’écrire, au regard des 62 % de silencieux qui iraient au moins une fois par mois à la messe traditionnelle dans leur paroisse si elle y était offerte, que ces quatre demandes connues sont loin de refléter la réalité des aspirations des fidèles.
5) Il faut souligner tout particulièrement le travail patient accompli par le groupe stable de la Vallée de Montmorency, animé par de « jeunes catholiques qui ont découvert ou redécouvert, dans les dix dernières années, la liturgie traditionnelle de l’Église, tout en évoluant dans les structures diocésaines », comme ils l’écrivaient dans un courrier de 2010. Nous aurons très certainement l’occasion de revenir sur le cas du Plessis-Bouchard dans les prochaines semaines – ou dès que sera intervenue la nomination du nouvel évêque sur ce siège proche de Paris qui a tout pour devenir un siège pilote, si la nomination est en adéquation avec une situation gravissime mais pas désespérée – pour vous rendre compte de la première messe annoncée pour ce dimanche et détailler ainsi quelques-uns des aspects de la demande.